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La dignité des un.es ne peut être au détriment de la dignité des autres
L’ACO appelle à :
• refuser le report de l’âge de la retraite à 64 ou 65 ans.
• rendre de nouveau notre système de retraite plus solidaire et qui n’exclut plus.
Appelés à cultiver le débat
A l’occasion de la réforme des retraites annoncée par le Président de la République lors de la
campagne présidentielle, l’âge légal, c’est-à-dire l’âge minimum à partir duquel les Français sont autorisés à liquider leurs droits à la retraite obligatoire, devrait être repoussé de 62 à 65 ou 64 ans.
La première ministre Élisabeth Borne a annoncé qu’un projet de loi réformant les retraites devrait être présenté début 2023, pour une adoption définitive avant « la fin de l’hiver ». Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, en charge de cette réforme, a quant à lui ouvert la porte à une concertation avec les partenaires sociaux sur le sujet. Il faut dire que si toutes les organisations syndicales sont vent debout contre l’idée d’un départ à 64/65 ans, elles ne partagent ni la nécessité d’accepter la concertation, ni surtout le contenu envisagé.
Cette concertation porte sur 3 volets :
« Emploi des seniors et usure professionnelle avec la pénibilité » ;
« L’équité et la justice sociale incluant les carrières longues et les régimes spéciaux » ;
« L’équilibre du système de retraite avec le financement et les paramètres associés ».
En conclusion de ces 3 mois de concertation, le gouvernement ne proposera pas de projet d’accord mais établira un projet de loi qui tiendra compte, ou pas, ou seulement en partie, de la concertation.
Concernés dans leurs familles et acteurs dans les syndicats d’actifs, de chômeurs, de retraité.es ou militant.es des partis politiques, bénévoles des associations populaires, les membres de l’Action Catholique Ouvrière sont appelés à mettre à l’épreuve leur « culture du débat ».
Que vivons-nous, quel regard portons-nous sur ce projet de réforme, dont nous comprenons qu’il pourrait remettre en cause un acquis social bien au-delà d’un recul de l’âge de départ ?
Appelés à discerner ce qui est en débat
Quel est le véritable objectif de cette réforme ?
S’agit-il seulement de l’équilibre financier du (des) régimes des retraites, de la correction des
injustices actuelles ou de chercher à financer d’autres politiques publiques ?
S’agit-il de financer l’allocation de perte d’autonomie et/ou le relèvement des faibles pensions ?
S’agit-il de faire supporter le poids de cette réforme aux seuls salarié.es ou à tous les revenus, ceux du travail, ceux des dividendes et des rentes qui doivent contribuer à l’ensemble de la solidarité intergénérationnelle et économique envers les personnes les plus âgées et les plus fragiles ?
Cette réforme ne vise-t-elle pas à faire travailler plus longtemps, avec une pension aléatoire en
fonction d’une valeur du point fluctuante ?
Le calendrier n’est-il pas trop contraint ?
Le contenu de la concertation et l’objectif de trouver des points de convergence ne sont-ils pas plus importants que de tenir un calendrier à tout prix ?
N’avons-nous pas gagné l’un des meilleurs systèmes de retraite au monde ?
Si nous considérons que notre système de retraite actuel doit évoluer, est-il nécessaire d’en changer les fondements ?
Comment prendre en compte l’allongement des études et des formations, les évolutions des
parcours professionnels beaucoup plus variés et hachés aujourd’hui ?
Au nom du marché, ne remet-on pas en cause le principe de solidarité qui fait la force de la
protection sociale ?
La santé, la retraite ne sont-ils pas les symboles d’un pays moderne qui protège ses citoyens de la maladie et de la misère ?
Aujourd’hui, de nombreux retraité.es œuvrent bénévolement en soutien aux citoyens, aux jeunes, aux enfants, dans les associations, les conseils d’administration. Ils participent toujours à la société toute entière, ne sont-ils pas une force économique et humaine incontestable ?
Appelés à nommer ceux qui sont concernés par ce débat
Nous témoignons des 50% de salarié.es de plus de 55 ans qui ne sont plus en emploi, faute aux
employeurs qui balayent avec dédain leurs compétences et leur expérience et se “débarrassent”
d’eux car ils coûtent trop cher, sont moins malléables, etc…
Nous témoignons des salarié.es usé.es bien avant 60 ans :
• Les ouvrier.es d’usines, qui se lèvent chaque jour à l’aube et finissent à la nuit tombée, soulèvent des tonnes de matériaux froid ou chaud pour des salaires souvent en dessous de 2 000 € brut,
• Les salarié.es « de la première ligne » : caissier.es, assistant.es de vie, aides à domicile, peu
payé.es et peu considéré.es,
• Les fonctionnaires hospitaliers, territoriaux, etc. qui travaillent au service du public et qui
souffrent du manque de moyens, de temps, de personnel pour remplir leur tâche. « Rincé.es » bien avant l’âge de la retraite, ils y arrivent à bout de forces psychologiques et physiques,
• Les salarié.es de plus de 55 ans privé.es d’emplois, contraint.es à vivre d’allocations ou qui
acceptent des propositions d’emploi au minimum des grilles de salaires, vécues comme une insulte aux années de travail qu’il.elles ont effectuées. La réforme de l’assurance chômage, finalisée le 22 novembre 2022, prévoit d’aggraver encore leur situation, estimant que la situation économique est bonne, et réduisant la durée de leur indemnisation de 36 mois à 27 mois pour les nouveaux inscrit.es
Les jeunes en recherche d’un travail digne, pour qui la retraite est une réalité trop éloignée qui n’a pas de sens,
• Les salarié.es au parcours professionnel chaotique, qui n’ont pas les conditions requises pour être affiliés à l’un ou l’autre des régimes de retraite.
• Les retraité.es qui après des années de travail pénible ont une espérance de vie en dessous de la moyenne, des pensions de retraite indécentes et qui ont peu d’espoir de toucher un jour cette promesse d’allocation de perte d’autonomie qui concerne l’ensemble de la population,
• Les femmes seules ayant travaillé toute leur vie de « petits boulots », souvent à temps partiel, qui vivent une double peine, une fois arrivées en retraite, n’obtenant qu’une retraite de misère.
Appelés à cultiver le débat, dans nos équipes de Révision de Vie et autour de nous
Nous sommes appelés à partager nos luttes, nos stratégies, nos mobilisations, nos espérances, nos différences, pour protéger et faire fructifier le bien commun. Appelés à accueillir toutes nos diversités, dans un monde qui change en recherchant une parole de foi de qualité, où le débat et l’interpellation font grandir l’équipe et permettent un Agir de qualité.
Nous sommes appelés à vivre la révision de vie comme « Un lieu de bienveillance où chacun est accueilli et reconnu pour ce qu’il est réellement, sans condition et sans jugement, mais en même temps un lieu d’altérité où il se frottera à d’autres, différents de lui, pour constituer avec eux une nouvelle figure du vivre ensemble ».
Même quand la lutte est dure, ou l’échec possible, nous sommes appelés à poursuivre l’engagement dans nos lieux de vie, avec les hommes et les femmes, partageant avec eux les signes d’Espérance.
C’est dans la Parole et la Vie du Christ que nous trouvons les moyens de réfléchir et d’accueillir leur vie, leurs questionnements, leurs joies, leurs difficultés, témoignant que la solidarité ne peut pas être une demi-mesure et qu’elle ne saurait être sélective selon que l’on soit riche ou pas. (Actes 4, 32-37). « La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme ; et personne ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais ils avaient tout en commun.
C’est avec une grande puissance que les Apôtres rendaient témoignage de la résurrection du
Seigneur Jésus, et une grâce abondante reposait sur eux tous. Aucun d’entre eux n’était dans
l’indigence, car tous ceux qui étaient propriétaires de domaines ou de maisons les vendaient et ils apportaient le montant de la vente pour le déposer aux pieds des Apôtres ; puis on le distribuait en fonction des besoins de chacun ».
Appelés à passer à l’action
C’est donc à la suite du Christ que l’ACO propose à ses membres un chemin de bienveillance,
d’échange et d’action pour la dignité des plus faibles qu’ils soient actifs, avec ou sans emploi, ou retraités. (En Révision de vie élargie, ciné-débat, soirée, manifestation etc.)
Lors de la rencontre nationale, l’ACO a décidé de passer à l’action, en proposant des lieux de parole et d’écoute où chacun pourra débattre dans un climat d’écoute.
À la suite de ces rencontres, l’ACO pourra s’exprimer publiquement et appeler à répondre aux
appels qui viseraient à s’opposer à une dégradation de notre système de retraite ou ceux qui
pourraient permettre une amélioration de celui-ci, notamment en faveur des plus faibles.
La dignité des retraité.es et la dignité des travailleurs sont, pour les uns, les moyens de vivre
décemment et non de survivre après une vie de travail ; pour les autres, c’est d’abord un travail et même un travail digne car, aujourd’hui, le travail est dans de trop nombreux cas impossible à exercer après 62 ans, voire bien avant pour beaucoup.
ACO décembre 2022